Born in 1926. Studied at the École Normal Supérieur in Paris
where he got his doctoral degree in 1955. After 2 years of prolonged stay at
Paris he became Professor of Theoretical Chemistry at the University of
Marseille from 1957-1986. Julg died in Marseille in 2003. |
Auteur: A. JULG
Le travail de Berthier (2) fut concluant pour le moment dipolaire mais les transitions restaient surestimées. En revanche, l'interaction de configuration se montra décevante. Indépendamment des gros calculs qu'elle nécessitait - calculs que je faisais à la main ou presque, je n'avais à ma disposition qu'une machine électrique Peerless - les valeurs obtenues aussi bien pour le moment dipolaire que pour les énergies de transition fluctuaient d'une manière déconcertante au fur et à mesure que j'introduisais plus de configurations (3). D'où la décision en octobre 1953 d'attaquer l'azulène par la méthode SCF qui avait donné de bons résultats pour le fulvène, au moins en ce qui concernait le moment dipolaire. Rappelons à ce propos que la méthode de Hückel donnait pour cette molécule un moment bien trop élevé, tous les atomes du cycle pentagonal étant chargé négativement et les autres positivement.
Le travail était considérable: 10 électrons pi, c'était le plus gros calcul SCF jamais entrepris. Plus de 4500 intégrales biélectroniques à calculer. De plus la non-orthogonalité des fonctions atomiques 2_pz entraînaient de grosses difficultés de calcul, nécessitant l'inversion de matrices d'ordre 4 et 6. Par ailleurs, contrairement à ce qui s'était passé pour le fulvène, les itérations sur la matrice énergie, non seulement ne convergeaient pas, mais divergeaient. Plus de 15 mois de travail, à raison en gros de 10 bonnes heures de calcul par jour, sans prendre de vacances! Finalement, au prix d'efforts mathématiques, j'obtins la convergence. . . et un bon moment dipolaire (4). Je trouvai des charges nettes quasi-alternées qui furent confirmées quelques années plus tard par l'expérience. Mais les transitions restaient surestimées. En revanche, la méthode de Pariser et
Parr
me donna très rapidement de bons résultats pour l'heptafulvène (5).
Ma thèse soutenue en octobre 1955, je fus nommé en 1957 Professeur de Chimie Théorique à la Faculté des Sciences de Marseille. Mes premières recherches se situèrent un peu en parallèle avec mon enseignement que je ne tardai pas à publier sous le titre Chimie Théorique et qui parut en 1964 (6). Je voulais présenter à mes étudiants un schéma cohérent des méthodes de la Chimie Quantique, persuadé qu'il existait un lien profond entre la méthode SCF que je considérai comme la référence théorique absolue, et la méthode de Hückel. La question était d'autant plus importante qu'à cette époque il ne pouvait être question pour les étudiants que d'utiliser la méthode de Hückel dans des cas simples {Voir le livre d'Exercices de Chimie Théorique publié en collaboration avec ma femme (7)}.
Bien qu'il n'était pas dans mon esprit de parler de la méthode de Parr et Pariser, mon premier travail fut de réfléchir sur les recettes de ces auteurs, en particulier pour obtenir des intégrales de répulsion électroniques réduites par rapport à leurs valeurs analytiques. Très vite je me rendis compte que la formule simpliste de Pariser donnant l'intégrale coulombienne monocentrique à partir de l'énergie d'ionisation I et de l'affinité électronique A: J=I-A, devait être complétée par un terme supplémentaire: J=I-A-epsilon(I+A ) où epsilon=s/Z, s étant la constante d'écran ( 0.35 ) et Z la charge nucléaire effective de l'orbitale (8). J'avais déjà en vue le souci de la self consistence entre les charges des atomes et les Z correspondants. J'eus alors l'agréable surprise de constater que les valeurs obtenues pour les divers atomes ( C, N, O par exemple) et leurs ions correspondaient aux valeurs théoriques déduites de l'expression analytique des orbitales à condition d'utiliser une charge effective réduite par le facteur lambda_0: (Z'=lambda_0*Z ), le même pour tous les atomes d'une même ligne (par exemple 0.54 pour C, N, O ). Cette réduction provenait de la corrélation électronique. D'où l'idée d'utiliser ces charges effectives réduites Z' pour calculer les intégrales dicentriques J_ab (9). On obtenait alors un facteur de réduction lambda_ab=J_ab(Z')/J_ab(Z), dépendant de la nature des atomes et fonction croissante de la distance, tendant vers 1 pour une distance interatomique infinie. Fait remarquable, à quelques pour cent près, j'obtenais les mêmes valeurs que Parr et Pariser, ce qui, sans que je l'ai cherché, justifiait leur mode empirique de calcul connu sous le nom d'approximation des sphères uniformément chargées.
Utilisant le procédé d'orthogonalisation de Löwdin, je montrai qu'on obtenait des intégrales coulombiennes mono- et dicentriques pratiquement les mêmes qu'avant orthogonalisation et que toutes les autres intégrales de répulsion biélectroniques pouvaient être négligées. Je redécouvrai le recouvrement différenciel nul postulé a priori par Parr et Pariser et qui sera repris plus tard par les méthodes dites CNDO! Si j'avais utilisé ce changement préliminaire de base dans mon travail sur l'azulène, au lieu de 4500 intégrales, à calculer et surtout à manipuler, il ne m en serait resté que quelques dizaines !
Concernant les intégrales de coeur du type (A+,b2) où A+ est le potentiel créé par l'atome A privé de son électron pi et b l'orbitale portée par l'atome B, et dont la valeur n'est pas très différente de celle de l'intégrale coulombienne correspondante, je postulai que la valeur obtenue classiquement devait être réduite par le même facteur lambda_ab que l'intégrale J_ab. De même - et là l'hypothèse était plus hardie - pour les termes (A+,ab). De sorte qu'au total, un seul facteur empirique lambda_0 qu'on pouvait en fait espérer atteindre théoriquement au moyen de calculs perfectionnés sur les atomes, avait à être introduit (10) . Là était toute le différence avec la paramétrisation de Parr et Pariser (11),qui portáit sur des molécules choisies pour la circonstance.
Enfin je montrai que l'orthogonalisation des orbitales atomiques avait pour conséquence que les éléments de la matrice énergie eorrespondant à deux atomes liés ne dépendaient pratiquement que de la nature et de la distance de ces atomes, les autres éléments non diagonaux étant très faibles (6). C'était la justification de l'hypothèse de base de Hückel. Pédagogiquement, pour moi le résultat était très important, car il me permettait de présenter la méthode avec un support théorique solide.
Par ailleurs, j'établissais une formule générale qui liait l'indice de liaison pi et la distance internucléaire (12). Ce qui permettait, par itération sur ces distanees, d'obtenir la géométrie de la molécule.
Toutes ces hypothèses se montrèrent payantes. Les résultats obtenus pour les charges, les moments dipolaires et les énergies de transition se révélèrent excellents. Avec ma petite équipe de chercheurs, nous étudiâmes des dizaines de molécules conjuguées (hydrocarbures éthyléniques, aromatiques et acétyléniques, dérivés carbonylés et azotés, soufrés même ) toujours avec le même succès. Malheureusement, dans ces années, nous ne disposions à Marseille d'aucun ordinateur. Nous faisions tous les calculs à la main sur des machines électriques Frieden. Des chercheurs étrangers, intéressés par les performances de la méthode, nous demandèrent des listings. Nous ne pûmes les satisfaire . . . et pour cause, puisque nous mêmes n'en n'avions pas. Déçus, ils ne donnèrent pas suite à leur projet d'utilisation de la méthode.
D'autre part, je n'étais pas un bon commerçant qui sait vanter sa marchandise, très habile en marketing, comme on dirait aujourd'hui. II aurait fallu que je fasse plus de publicité pour ma méthode que je publie en anglais et surtout que je me montre dans tous les congrès internationaux. Mais les difficultés physiques que j'avais pour me déplacer m'en empêchaient, sans parler, je dois le reconnaître, des problèmes que me posait la langue anglaise. En tout cas, si j'avais été plus habile j'aurais trouvé un nom plus attirant pour la méthode. Banalement, je la nommai L.C.A.O. améliorée.
Quand enfin un petit ordinateur fut en notre possession et que nous entreprîmes de construire un programme général, il était trop tard. A l'étranger et à Paris, Strasbourg et Toulouse, on avait déjà des machines suffisamment performantes pour faire des calculs SCF ab-initio ou tout au moins portant sur tous les électrons de la molécule. Ce qui sonnait le glas des méthodes empiriques ou semi-empiriques pi. L'interaction de configuration devenait praticable, ce qui permettait d'obtenir de bonnes énergies de transition sans avoir besoin de réduire les intégrales électroniques. Nous n'avions réellement plus de place sur le marché. Il devenait pratiquement impossible de publier de nouveaux résultats.
Et voilà comment la Méthode L.C.A.O. améliorée qui était restée une spécificité marseillaise s'éteignit. Je me tournai vers d'autres problèmes, sur les cristaux, leur ionicité, leur couleur ainsi que sur leur pouvoir d'adsorption, tandis que, parallèlement, je m'intéressai de plus en plus à l'interprétation de la Mécanique Quantique. Mais est-ce à dire que mes recherches ont été inutiles? Je ne le pense pas. Et cela pour deux raisons. D'une part, à leur époque elles apportèrent des renseignements tout à fait valables sur toute une série de molécules et d'autre part surtout - et là les conclusions resteront - mes travaux montraient le sens physique réel de ce qu'on appelle le recouvrement différenciel nul et de la nécessité de réduire les intégrales électroniques pour avoir de bonnes énergies de transition, et fournissaient la justification de la méthode de Hückel.
References and Notes
(1) B. Pullman, A. Pullman, Les Théories électroniques de la Chimie Organique. Masson, Paris, 1952.
(2) G.Berthier, Structure électronique du fulvène:
(3) A. Julg, Étude de l'azulène par la méthode du champ moléculaire self-consistent.
(2) A. Julg, A. Pullman, Structure électronique du fulvène:
(5) A. Julg. B. Pullman, Recherches complémentaires de la structure du fulvène
(6) A. Julg, Chimie Théorique. Dunod, Paris, 1964.
(7) A. Julg and O. Julg, Exercices de Chimie Théorique. Dunod, Paris, 1967.
(8a) A. Julg, Nouveau procédé de calcul semi-théorique des intégrales
(8b) A. Julg, Nouveau procédé de calcul semi-théorique
(9) A. Julg, Traitement L.C.A.O. améliorée des molécules conjugées.
(10) A. Julg, Un perfectionnement de la théorie des orbitales moléculaires:
(11) A. Julg, L. Pujol, La méthode L.C.A.O. améliorée:
(12a) A. Julg, Recherche sur l'origine de la relation entre ìndice de liaison et
(12b) A. Julg, O. Julg,. Theor. Chim. Acta 1971, 22, 353.